Le bruit du vent dans les roseaux

Je n’étais rien qu’un vieux papier, un souvenir d’un autre temps – de ceux que l’on garde un moment, au cas où, avant d’oublier jusqu’à leur existence.

J’étais une facture ; une simple facture, celle du vieux secrétaire que j’avais accompagné, de la réserve du brocanteur à l’appartement des Jolibois, initialement glissée dans l’un des tiroirs du meuble fraichement acquis.

Je me souviens encore du jour où en j’en avais été extirpée, après moult secousses et cahots dus à l’installation du nouveau meuble en bonne place : la lumière du jour m’avait éblouie, moi qui n’avais jamais connu que la pénombre. J’avais vérifié l’alignement de mes lignes et le bon arrangement de mes totaux – tout était en ordre. Mon papier encore craquant présentait bien et je m’étais plié de bonne grâce aux volontés de mes nouveaux maîtres qui, à mon grand dépit, m’avaient remisée presque aussitôt tout au fond du secrétaire ; je me consolai en constatant qu’au moins, je n’étais plus confinée dans un tiroir et pourrais jouir, de temps à autre, de la clarté offerte à chaque entrebâillement de l’abattant d’acajou.

Du temps où j’étais encore en bloc, solidaire de toutes les autres factures vierges du carnet, je m’étais plu à rêver de la vie qui m’attendait : serais-je envoyée par la Poste à l’autre bout du monde ? Revêtue d’une signature prestigieuse qui m’ornerait à jamais ? Installée auprès d’autres factures dans le confort d’un parapheur de cuir odorant ? Je soupirai, une fois le meuble refermé, en réalisant que mon avenir risquait d’être un peu plus sombre. Et que la solitude serait ce qui me pèserait le plus !

… la suite… à venir 😉 !

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