To say or not to say

Envie d’écrire et envie de s’enfuir,

Envie de tout dire et envie de se taire.

On lui dit « Parle ! » et elle entend « Tais-toi ! »

On lui dit « Ça te fera du bien » et elle comprend « mais ne nous dérange pas »

Elle aime, c’est vrai, quand on lui dit qu’elle est forte – même si sa force n’est que de la survie-, qu’elle a du courage – même si de courage il n’en est nulle part si ce n’est celui de ne pas plonger. En fait, non, elle n’aime pas ça. Ou bien, elle ne sait pas. Cela ne change tellement rien.

Plonger, elle ne le veut pas. Elle ne le sait pas. Peut-être parce qu’elle croit que ce serait pire encore après. Alors autant continuer. Tracer la route en faisant le gros dos, ignorer les ronces en s’imaginant des épaules de cuir.

Et pourtant, par moments, c’est un peu trop.

Ces moments-là, elle ne veut pas les dire. Et en même temps, si, elle a besoin d’en parler.

Mais comment ?

Comment dire l’inexprimable ? La détresse, la colère, la révolte ? cette révolte qu’elle sait vaine, puisque la vie est ainsi faite qu’on ne revient jamais sur rien.

Ne pas imaginer – un mètre plus loin, une minute plus tôt et sa vie, leurs vies seraient tout autres.

Puis se dire qu’un mètre plus loin, une minute plus tôt et tant de choses lui auraient échappé.

Se contredire : « Était-ce donc un prix à payer ? N’est-ce pas beaucoup trop cher ? »

… et se dire à soi-même de se taire, parce que tourner en rond devient épuisant…

Elle sait ce que l’on attend d’elle : courage et force, sérénité et optimisme.

Elle le donne, quand elle le peut ; et elle se sent forte d’y arriver, le plus souvent.

Mais parfois une goutte d’eau surgit, et elle s’y noie.

Pas longtemps. Jamais longtemps ; et c’est ce qui la rassure, même dans ces moments-là.

Pas longtemps, mais ça lui fait mal, quand même, un peu, à chaque fois.

Ce ne sera jamais fini

Ce ne sera jamais derrière eux.

Ils sont condamnés à traverser ces ronces. À ne jamais baisser la garde. À ne jamais croire que les choses vont s’arranger – à force, elle l’a compris, à défaut de l’accepter. Lui a encore tant de chemin à faire, sur lequel elle ne peut plus l’aider.

Elle se dit – on lui dit : voilà tant de choses à écrire !

Mais écrire sa douleur ne lui paraît pas possible. Personne n’a envie de lire des larmes. Alors personne ne saura ce qu’elle a au fond du cœur. Elle se dit qu’après tout, cela ne change rien.

Elle essaie d’écrire autre chose.

Mais à chaque fois c’est la souffrance de sa vie qui revient entre les lignes. Qui s’infiltre et s’insinue, tapie entre les mots avant d’éclater à sa conscience et de la faire tout effacer, encore et toujours. Elle se dit qu’il faudrait pourtant qu’elle écrive tout ça pour pouvoir un jour, peut-être, écrire autre chose.

Mais y a-t-il autre chose… ?

Elle envie les sereins, les libres, les joyeux, les fêtards, les innocents, les paresseux, les utopistes, les humanistes, tous ceux qui croient en la beauté simple de la vie.

Elle rêve d’une vie qui lui aurait laissé l’être.

Mais sa vie est autre, et elle ne changera pas.

Alors elle la regarde, de l’extérieur comme si elle n’était pas la sienne ; elle parle d’elle à la troisième personne et se dit, en traçant ces mots, que la mise en abyme de leur inutilité aura au moins été écrite.

Et elle va laisser ces mots s’afficher, pour que rien ne soit tout à fait vain.

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