À Nous Deux !

Qui l’eût cru ??

Qui eût pensé, il y a quelques années à peine, que j’achèterais un jour Nous Deux ?

Qui eût imaginé, quand j’ai commencé de participer à des concours de nouvelles, que j’obtiendrais un jour ce premier prix tant convoité, celui auquel rêvent plusieurs centaines d’apprentis écrivains chaque année ?… bref, je suis ravie, contente, fière et toujours épatée d’avoir séduit ce jury si difficile !

Sans titre

Quant à ce que j’ai proposé à tous mes amis, à savoir, acheter Nous Deux aujourd’hui… eh bien, la surprise passée, ils l’ont fait et je les en remercie ! … et c’est mon frère de plume (Hugh !) Vieufou qui en parle le mieux ! Lisez plutôt :

Plaisir coupable

Entrer chez le marchand de journaux en douce à une heure de relative affluence.
Surtout rester discret, me fondre dans la masse.
Me diriger vers le rayon idoine.
Fureter, l’air de rien.
Rester hors champ de la caméra de surveillance.
Faire mine de m’intéresser à un magazine de bagnoles.
Jeter un œil furtif vers la caisse pour m’assurer que la caissière regarde ailleurs.
Saisir à la volée, entre le dernier Closer et Veillée des chaumières, le numéro du magazine Nous Deux, celui avec les gagnants du concours de nouvelles.
Ne pas confondre avec Notre Temps.
Ne pas prendre l’exemplaire sous blister, avec le miroir en forme de cœur à l’intérieur, qui vaut quatre-vingt quinze centimes de plus que l’autre.
Vite le recouvrir de magazines pornographiques, dessus-dessous.
Le noyer dans la pile.
Hésiter.
Réaliser que je n’ai plus l’âge de lire les uns, et pas encore celui de lire l’autre…
Espérer que la caissière n’y prêtera pas attention.
Prendre la file à la suite des clients, me rappelant n’avoir pas ressenti un tel trouble depuis longtemps, quand je dissimulais mes premiers Fluide Glacial dans des numéros de Mickey parade pour rentrer en douce à la maison.
Regarder mes pieds ou le plafond d’un air dégagé.
Ne pas siffloter ni lacer mes chaussures, ce qui peut paraître suspect, surtout que je porte des sandales à velcros.
Rester le plus naturel possible malgré la moiteur des paumes, la transpiration et le début de tachycardie.
Passer à mon tour.
Prendre en plus un sachet de bonbons pour essayer de diluer l’achat répréhensible au milieu des autres.
Prier pour que la caissière ne demande pas à voix haute à sa collègue du fond du magasin:
— Dis-donc Sylviane, Nous Deux, c’est quel code ?
Payer la pile de journaux.
Faire mine de ne pas m’apercevoir du regard amusé de la buraliste.
Ressortir  et vite jeter les magazines porno dans la première poubelle venue.
Ne garder que la première page de XXXXmag pour sauver les apparences.
Placer à l’intérieur le numéro de Nous deux si durement acquis.
Fantasmer le contenu.
Penser lire le magazine une fois rentré à la maison, en dépouillant le paquet de bonbons.
Afficher ostensiblement la couverture de XXXX dès que je croise un badaud.
Résister à l’envie de m’asseoir sur le trottoir pour attaquer ma lecture coupable sans attendre.
Comme c’est trop dur, temporiser : manger tous les bonbons avant d’arriver à la maison.
Souffler un grand coup en passant la porte.
Laisser mes pulsations cardiaques redescendre à la normale.
Freiner l’excitation qui me gagne.
M’assurer de n’être pas dérangé par les gosses. ça va, ils sont à l’école.
Fermer la maison à clé, résilier mon abonnement téléphonique, couper l’électricité pour ne pas être dérangé.
Jeter la couverture de XXXX mag dans la poubelle de papiers.
Me laisser tomber sur le canapé avec le magazine.
Aller tout de suite aux pages concernées.
M’étonner tout de même qu’il n’y ait pas de triple page au milieu du magazine…
Les temps ne sont plus ce qu’ils étaient, les plaisirs coupables non plus.
Déguster lentement les nouvelles d’Emmanuelle Cart-Tanneur, ma sœur de plume, vainqueur du concours catégorie nouvelle romantique (p.20)avec qui j’avais partagé un podium en 2011, et de Laurence Marconi, vainqueur catégorie nouvelle historique (p.50), très belle plume qui fréquente le même forum littéraire que moi.
Jouir des yeux, du cerveau, du cœur…
Me rappeler soudain que j’ai tenté en vain le concours en question il y a sept ans, ma nouvelle sans doute trop fantastique ayant déclenché des AVC cardio-pulmonaires du foie rénal chez les membres du comité de lecture du magazine…
Me dire que ça y est, je viens d’entrer malgré moi dans leur lectorat.
Arracher rageusement ce cheveu blanc qui vient d’apparaître sur l’une de mes tempes.
Me dire que pour ce faire, j’aurais dû acheter l’exemplaire du magazine avec le miroir-coeur…
Me dire qu’on ne m’y reprendra pas, à moins qu’un autre forumeur l’emporte l’an prochain.
Me dire que je n’entrerai jamais dans leur comité éditorial, avec mes textes bizarres.
Pleurer.
Relire les deux nouvelles gagnantes pour me consoler.

 

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